Suite aux expériences menées au Foodlab à Paris avec Raphaël Haumont, et Thierry Marx, le chef a accepté d'écrire la préface de mon mémoire.

Du goût et des couleurs, on peut faire tout un ragoût...
Le vôtre n’est probablement pas le mien ! Allez donc savoir...
Pour déterminer qui a tout bon, on est dans le noir...
Parce qu’il y a vraiment du monde sur le coup !
Embarquons donc pour un mystérieux voyage intérieur...
Madame saveur passe mes lèvres et là, elle prend peur !

Aussitôt, des milliers de papilles gustatives l’assaillent, la jaugent, comme une intruse.
Moi, je ne dis rien, je sais qu’un énorme travail se fait là, je mâche... ça m’amuse...
C’est comme une usine miniature. Sous mes dents, ça croustille
Et je sens dans mes narines remonter des parfums complexes et enchevêtrés.
Quelques secondes à peine et déjà des idées fourmillent...
Des souvenirs de déjà goûté mêlés à de l’inconnu qu’il va falloir débrouiller...

La saveur, solubilisée dans la salive, laminée et décortiquée est devenue
Par la magie de la biologie, une succession de signaux électriques très précis
Transportés à la vitesse de l’éclair le long de mes nerfs. La voilà parvenue
Au cœur de mon cerveau dans une aire où la science rejoint la poésie...
Les yeux mi clos, je laisse travailler mon ordinateur central...
Et c’est une valse d’images de ce joli plat juste avant que je ne l’avale,
Des couleurs de fruits, mais avec des formes nouvelles, rien de banal.

Chaud et croustillant dehors puis fondant et frais au cœur,
Tous mes sens s’en mêlent, tout s’emmêle et tout s’éclaire. Quel bonheur !
C’est l’histoire du goût, une carte écrite avec les sens et avec le cœur.
Une histoire impossible à recopier et délicieuse à partager
Une histoire à ne jamais imposer, car elle est avant tout liberté
De choisir, d’ouvrir son esprit et ses sens, liberté d’aimer ou non...

Seulement sept notes dans la gamme et pourtant d’innombrables partitions...
Le sucré, le salé, l’amer, l’acide et le mythique « umami » ne sont
Qu’un canevas brut prêt à tant de broderies qu’il est illusoire
De penser qu’un seul modèle puisse faire consensus...
Je ne veux rien imposer, ni même démontrer... mais je veux croire
Que le plaisir doit rester seul maitre à bord, faute d’en avoir plus...

Moi qu’on pense découvreur et brasseur de saveurs,
Auprès de certains esprits éclairés, je me sens vraiment petit joueur !
Quarante ans de travaux pour Patrick Mac Leod et en 99 un Institut du Goût :
Des découvertes, de la théorie, des surprises étonnantes, mais surtout
Pour adultes et enfants, des applications pratiques, éducatives et interactives.
Car comme dit Claudel, « la vie est un professeur de goût » et, réciproquement,
Cultiver son goût est une philosophie, une aventure, une locomotive :

Aller au fond de soi pour mieux s’ouvrir aux autres finalement.
Jouer sur la curiosité pour éduquer les sens, enrichir son répertoire pour décrire
Une cascade de bienfaits pour mêler nourriture, échange et plaisir...
Simplifions et résumons avec bon sens tout ce barouf...
Et si le goût était la meilleure arme contre la malbouffe ?

Me vient une irrésistible envie de conclure par un clin d’œil, une pirouette,
Un zeste d’humilité et surtout d’anti prosélytisme, disons le tout net...
En empruntant ces mots plein de bon sens à Boris Vian :

« Je ne sais pas ce qui est bon, mais je sais ce que j’aime et c’est amplement suffisant »

Thierry Marx